Avant qu’une amie ne me fasse la remarque : « ah, tu passes quand même beaucoup de temps dans le désert, ça a l’air vraiment d’être ton truc », en regardant mon itinéraire, je ne m’étais jamais rendue compte de ce qui me semble pourtant tellement évident aujourd’hui. Oui, je suis une fille du désert. Ce qui est très paradoxal, parce que je déteste la chaleur, je déteste aussi les paysages plats et mornes. Je pense d’ailleurs que je détesterais le désert du Nevada (honnêtement, quelle idée d’aller s’installer là-bas !)
Mais le désert, ça a beau être aride, ce n’est pas désert pour autant. Surtout le magnifique plateau du Colorado, ses montagnes, ses mesas et ses canyons. Dans le désert, il y a une lumière qu’il n’y a nulle part ailleurs, des cieux d’une couleur toujours intense, il y a des orages comme je n’en ai jamais vu ailleurs (même dans les Alpes). Il n’y a jamais de demi-mesure. Ce qui me marque le plus, comme d’habitude, cependant, ce sont les odeurs. L’odeur du genévrier de l’Utah et du sagebrush qui chauffent en plein soleil, l’odeur des aiguilles de pin qui sèchent, ou même l’odeur du sable rouge qui cuit. Et surtout, le silence, le silence absolu. Il y a parfois une mouche ou deux qui vrombissent, quelques feuilles qui bruissent dans le vent, mais c’est surtout un silence assourdissant que j’entends.
J’attends toute la journée que le soleil se couche, pour pouvoir respirer à nouveau. Et le matin, je n’attends qu’une chose, c’est qu’il se lève pour ne plus être transie de froid. Le désert de l’Utah a toujours été un sanctuaire. Pour les Frémont et les Ute, pour les mormons, et maintenant pour les dizaines d’espèces endémiques d’animaux et de plantes qui y demeurent encore. Il y a toujours des vaches en open range, et toujours les authentiques cow-boys qui vont de pair avec. Dans mon désert, il y a aussi de nombreux compounds mormons, qui vivent dans une pauvreté qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui aux Etats-Unis. Il y a aussi les réserves indiennes, qui ne sont guère plus prospères. Il y a d’innombrables villages uniquement constitués de maisons en pré-fabriqué. Il y a la sécheresse, surtout cette année. Il y a souvent un désert alimentaire et culturel. Ce désert n’est pas toujours un sanctuaire.
Il y a aussi ces canyons d’une valeur inestimable qui ont été noyés à tout jamais sous les eaux des barrages du Lake Mead et du Lake Powell. Ce désert n’est pas toujours un sanctuaire.
Mais ces roches rouges… Elles ne rendent pas la vie plus facile aux gens qui vivent là, mais je ne suis pas sûre qu’ils les quitteraient pour autant.
Comme le disait Wallace Stegner : « It is a lovely and terrible wilderness, such a wilderness as Christ and the prophets went out into; harshly and beautifully colored, broken and worn until its bones are exposed, its great sky without a smudge of taint from Technocracy, and its hidden corners and pockets under its cliffs the sudden poetry of springs. »
18 Comments
Lucile
11 septembre 2012 at 17:49Très bel article
Isa
11 septembre 2012 at 18:39C’est gentil :-)
Isa
11 septembre 2012 at 18:38C’est plutôt Stegner qui est doué pour ça…
Hélène
11 septembre 2012 at 19:22Y a pas que Stegner qui est doué ma belle! Tu nous as encore fait un très beau texte, plein d’émotions et une belle photo pour illustrer! Encoooooooooooooore! Biiz
isa
11 septembre 2012 at 20:09Oh je rougis !!!
Ced
11 septembre 2012 at 19:32Il ne vous reste plus qu’à aller en Australie maintenant!
isa
11 septembre 2012 at 20:08Ah, je ne sais pas, j’ai jamais été tentée ! Bon, un peu par tes photos, quand-même…
Zhu
12 septembre 2012 at 01:25Wow la photo! Maintenant j’ai la chanson « Horse With No Name » dans la tête :
I’ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
‘Cause there ain’t no one for to give you no pain
Je dois avouer que je ne connais pas du tout, même si les paysages font rêver.
isa
13 septembre 2012 at 20:38Peut-être que tu sauteras dans l’avion pour cette région un de ces jours !
Vio
12 septembre 2012 at 22:31Très bel article et superbe photo.
Je suis également une fille qui passe beaucoup de temps de désert en désert, les arides en tout genre comme les froids. Je les trouve inspirant.
Ta photo me fait penser à une autre que j’ai prise un peu avant Purmamarca en Argentine ( au dessus de Salta ) dans les Andes.
http://violainedor.blogspot.fr/2010/12/vallee-enchantee-salta.html dernière photo de l’article
Comme quoi les formations rocheuses voyagent elles aussi :D
Bon voyage !
isa
13 septembre 2012 at 20:38Ah oui, Salta ça a l’air vraiment chouette ! (mais… moins sauvage à mon goût :-D) Merci pour ton petit commentaire !
Johanna
13 septembre 2012 at 15:48Superbe ! « Mais le désert, ça a beau être aride, ce n’est pas désert pour autant. » Tellement vrai, ou comment dompter l’aridité ?
Et l’eau qui surgit au milieu des déserts, au milieu de nulle part… Sa rareté nous saute aux yeux au cœur de paysages sublimes.
Je crois que j’ai un « truc » avec les déserts aussi. Sans doute un « truc » de géographes :).
isa
13 septembre 2012 at 20:37Héhé, je me disais bien que tu ne me contredirais pas à ce sujet ! Un truc de géographe, sûrement… ;-)
Lyni
30 mai 2015 at 17:12Bonjour Isa, je decouvre a l’instant ton blog via isa de side to side….genial. Je vis aux us a chicago, et voyage dès que je peux aussi…pas assez encore a mon gout ! Je suis comme toi amoureuse du desert, de l’ouest americain. Prochain voyage pour noel, saguaro national park et la region de tucson…j’en reve ! Merci de partager tout cela…le voyage en amtrack aussi me tente bien, je n’ai encore jamais essayé mais je vais m’y pencher…bonne continuation
isa
1 juin 2015 at 09:06Merci beaucoup pour ton très très gentil message !
De Chicago, en plus, vous avez accès aux plus beaux itinéraires Amtrak… Je vous le recommande fortement !
Aurélie
17 septembre 2015 at 22:42Bonjour ! Je découvre ton blog via « voyage-yukon.net », et je tombe sur cet article qui parle à l’amoureuse des grands espaces et des déserts que je suis également. J’ai souvent le sentiment, lorsque je suis face à de telles beauté de la nature, que les pensées sont plus claires… L’aridité et la répétitivité des paysages permettent à d’autres choses d’émerger, je trouve.
isa
8 octobre 2015 at 15:31Désolée pour la réponse tardive ! Merci pour ton beau commentaire… Quel a été ton « coup de coeur désert » ?
Mamzeldree
17 mars 2017 at 10:51Cet article est très touchant. Je comprends pourquoi tu aimes le désert