États-Unis Le Vieux Sud & le Texas

La Nouvelle-Orléans, la ville la moins américaine ?

17 avril 2015

J’ai mis presque un an à trouver l’impulsion d’écrire cet article sur la Nouvelle-Orléans. Pourtant, ce n’est pas parce que j’ai été déçue de cette découverte ou que je n’ai pas aimé…

J’avais juste besoin de réfléchir à ce que j’ai ressenti en passant quelques jours dans cette ville, fantasmée depuis bien longtemps. M’intéressant de près à la francophonie dans le monde, depuis une dizaine d’années, j’ai presque postulé à un programme d’échange me permettant de découvrir celle de la Louisiane. Je ne l’ai jamais fait, pour tout un tas de raisons. Pour autant, j’ai enfin réussi à rencontrer la Nouvelle-Orléans, rencontre qui a bien tardé… (qui était prévue pour 2012, mais l’ouragan Isaac m’a fait dévier de mon chemin). Je ne connais rien à l’Histoire de la Nouvelle-Orléans, tout ça ne sont donc que des sensations, des impressions.

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Prendre le temps de vivre, comme des latins

J’ai trouvé la Nouvelle-Orléans tellement latine, tout d’abord dans son architecture. La France est de partout (des volets, enfin !!!), l’Espagne aussi. En témoigne la terrasse du somptueux Café du Monde qui m’a fait penser aux nuits chaudes de mon enfance dans le sud de l’Espagne. La terrasse ne désemplit pas jusqu’à tard dans la nuit, le sucre glace couvre le sol (en Espagne, ce sont les résidus de pipas !), on y parle fort, on traîne, on déguste. On profite réellement de l’instant. Il n’y a pas cette pancarte « No Loitering » (interdiction de traîner, de flâner) que l’on voit si souvent aux Etats-Unis. Au contraire, on est pas là que pour consommer, on est là pour prendre son temps. Bien-sûr, le Café du Monde est rempli par une grande majorité de touristes, comme tout le Vieux Carré de la Nouvelle-Orléans ! Pour autant, l’authenticité est là.

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Dans le Vieux Carré, justement, si tout est destiné aux touristes (les musiciens de rues, les voyantes, les hommes-sandwiches qui se baladent pour vous vendre le cocktail le moins cher), je n’ai pas du tout eu l’impression d’être dans un attrape-touristes (sauf sur Bourbon Street). Même si ce n’est pas dans le Vieux Carré que les habitants de la Nouvelle-Orléans viennent faire la fête, je ne me suis pas sentie happée par les sollicitations mercantiles. Bourbon Street est en revanche réellement à éviter : ce n’est qu’un repère de gens qui viennent se murger pour le week-end, parce que c’est ce qu’ils pensent que les locaux font. Mais les locaux ne font pas ça.

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Le soir, on les trouvera plutôt dans Frenchmen Street, où les clubs de jazz plus ou moins intimistes s’entassent. Le jazz m’a semblé toujours vivant, et j’espère qu’il ne deviendra jamais folklorique.

Une ville pauvre mais battante

Car voilà, l’âme de la Nouvelle-Orléans, c’est les Caraïbes et aussi son héritage esclavagiste. Même si la population est diverse, la Nouvelle-Orléans est une ville noire. Je logeais dans Treme, un des quartiers qui a le plus souffert de Katrina. En me baladant dans les rues, j’ai vu de nombreux lots rasés, et d’autres en ruine ou squattés. Très peu de logement ont été reconstruits. Treme, pourtant, est magnifique. Les maisons sont superbes mais plus personne n’a les moyens de les entretenir. En fin de journée, quand il fait moins chaud, les gens désœuvrés traînent sur leur porche. Treme a l’air abattue. En journée, je ne me suis jamais sentie menacée en me baladant seule. La nuit, c’est une autre paire de manches et il y a bien des rues à éviter. La seule solution trouvée : rentrer en taxi tous les soirs (souvent au noir, et pour moins de 10 $).

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La Nouvelle-Orléans ce n’est pas que le paysage de carte postale que l’on peut voir dans le quartier du Garden District. Les manoirs sont superbes, les jardins sont luxuriants, les routes paisibles et cossues. Mais ce ne sont que les notables, qui vivent ici, et ce depuis des centaines d’années. Le quartier est mort, trop boubourge, trop blanc. Ce qui est intéressant, à la Nouvelle-Orléans, c’est justement ces contrastes, cette souffrance qui a forgé la ville…

Mon œil de géographe n’a pu s’empêcher de remarquer que la ville était un désert alimentaire, malgré un climat pourtant très propice à l’agriculture. Les initiatives de jardins partagés n’aboutissent pas, pour le moment, malgré les nombreux terrains vagues depuis Katrina. Au centre, il n’y a qu’un supermarché qui vend des produits frais. Les services de taxis proposent aux riverains de déposer des courses à domicile… Car pour aller faire ses courses, il faut une voiture. Mais quand on est pauvre, on a pas de voiture…

De la francophonie à la Nouvelle-Orléans

Récemment, j’ai vu un reportage où Zacharie Richard, soixantenaire francophone, militant pour le maintien de la langue française en Louisiane, racontait son enfance. Il racontait comment ses maîtres d’école le frappait lorsqu’il parlait en français, comment on lui disait que sa langue n’était de toute façon même pas du français ! Il parlait de propagande anglophone et américaine. Pour ses 30 ans, il est parti en voyage en France, pour la première fois, et s’est rendu compte qu’il comprenait parfaitement tout ce qu’il entendait autour de lui. Ça a été une révélation : il parlait français, il avait toujours parlé français, mais la propagande anglophone s’était tellement incrustée dans son cerveau qu’il l’avait oublié.
Depuis, des initiatives pour faire revivre le français en Louisiane ont vu le jour, et j’espère qu’elles iront très loin. Justement parce que la Nouvelle-Orléans tire sa richesse du métissage.

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J’ai aimé la Nouvelle-Orléans

J’ai eu un coup de foudre presque immédiat pour tous les quartiers de la ville, beaux ou laids. J’ai aimé que les gens me saluent dans la rue, j’ai aimé la joie de vivre (en français dans le texte), malgré les épreuves. Cette ville a un vernis qu’il faut gratter, elle a une ambiance, une identité, une Histoire tellement épaisse, tellement palpable. Je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner, c’est d’aller y vivre, malgré le climat, les moustiques et l’insécurité. La Nouvelle-Orléans est la ville la moins américaine qu’il m’ait été donné de voir, ou plutôt, la moins anglo-saxonne. Et c’est aussi ma ville américaine préférée. Une ville latine, africaine, caribéenne. Une ville qui n’oublie pas ses racines, où l’héritage a un sens.

Quelques conseils :

  • Prenez le temps de vivre. La Nouvelle-Orléans est une ville étendue mais les quartiers se visitent très bien à pieds, avec parfois un petit coup de tram ou de taxi.
  • Un détour au Café Du Monde pour goûter les beignets et le café au lait (en français dans le texte !) est une institution. C’est super touristique mais c’est incroyablement bon, et pas cher. J’ai tourné entièrement au café frappé pendant mon séjour. Cela me manque tellement que j’essaye de reproduire la recette à la maison !
  • Goûtez les spécialités locales, pas forcément dans les grands restaurants (plutôt très chers : gumbo, crawfish, jambalaya, po’boys, poulet frit)
  • Pour le jazz, c’est du côté de Frenchmen Street, étant donné qu’il est impossible d’entrer au Preservation Hall
  • Bourbon Street n’a vraiment aucun intérêt, même pour se pinter
  • Si vous logez dans Treme (je le recommande fortement), demandez à votre hôte quelles rues sont sécuritaires. Puisque vous y êtes, allez faire un tour à Willie Mae’s Restaurant, un resto de quartier, au milieu de nulle part, bondé jusqu’à tard dans l’après-midi. Le Café Treme est également une adresse sympa, bien qu’un peu trop branchée.

11 Comments

  • Reply
    Tiphainet
    17 avril 2015 at 14:34

    Il me tarde…….il me tarde……..

    • Reply
      isa
      18 avril 2015 at 11:19

      Tu m’étonnes, tu m’étonnes ! Vu mon impatience pour y retourner, je ne peux que te dire d’en profiter à fond !!!

  • Reply
    Zhu
    18 avril 2015 at 02:51

    Je vois la NO comme la ville de Québec au Canada, une « oddity », une particularité, un vestige mais dans le bon sens du terme. De par ta description, la ville me fais penser au Bélize, surtout au niveau de la façon de vivre très « Caraïbes » et du dénuement.

    C’est sur ma liste des villes à visiter. Par contre, j’entends toujours parler de la cuisine du sud et je dois avouer que, encore une fois, de par les descriptions, ça ne me tente pas plus que ça. Je suis sûre que c,est bon, hein, mais je ne vois pas le OMG SOUTHERN FOOD!

    • Reply
      isa
      18 avril 2015 at 11:15

      Y’a southern et southern… Les fruits de mer sont incroyables, dans le Sud. Je me souviens avec émotion d’une soupe de crabe au sherry qui était une des choses les plus fines que j’aie pu manger… Pareil pour les spécialités cajuns, là c’est fin, épicé, y’a plein de légumes… Je suis moins fan de la southern « blanche », c’est à dire, en gros, que tout est frit :D

  • Reply
    Mzelle-Fraise
    18 avril 2015 at 12:35

    Ah ! ma ville favorite <3 j'y suis allée deux fois, dont une pour le Mardi Gras l'année dernière. Et c'est vrai que j'ai encore du mal à en parler, même si je l'ai déjà un peu fait sur mon blog. Je pense qu'après avoir terminé de parler de mon road trip en Louisiane, je reviendrai dessus :) Et je te rejoins sur beaucoup de points : Treme, la francophonie, la géographie… Je vais aussi regarder le documentaire dont tu parles. Merci pour ce billet qui a ravivé des souvenirs ^^

  • Reply
    Nathalie
    5 mai 2015 at 23:39

    Je viens de passer quelques jours à la Nouvelle-Orléans et cette ville m’a intriguée! J’ai aimé te lire car ton appréciation est assez différente de la mienne! J’aime les points de vue! Je pense que je vivrais très différemment une deuxième visite. Je vais suivre ton blog que je découvre aujourd’hui, tu as un style personnel vraiment agréable! À bientôt!

    • Reply
      isa
      6 mai 2015 at 08:00

      Merci pour ton commentaire Nathalie ! Je suis aussi très curieuse de savoir ce que tu as pensé de la ville : à toi ! :)

  • Reply
    Bertille
    13 mai 2015 at 14:41

    J’ai beaucoup aimé l’ambiance de la Nouvelle-Orléans, et je rejoins ton avis sur plusieurs points. On a vu un show à Preservation Hall, et c’était incroyable. Sur Frenchmen Street aussi. De la musique partout, tout le temps, c’est une ville bien vivante ! Et on s’y est régalés :)
    Je pense qu’on y retournera en décembre quand on recevra de la visite de France.

    Bon, par contre, la ville la moins américaine des US, c’est quand même Miam Beach ! lol Surtout South Beach où on se croirait vraiment plus dans les Caraibes que dans tout autre lieu américain. La Floride du Sud, c’est un univers à part dans la cartographie américaine ;)

    • Reply
      Bertille
      14 mai 2015 at 01:01

      Miami Beach of course (oups !)

    • Reply
      isa
      18 mai 2015 at 10:16

      Je ne suis jamais allée en Floride ! (Il faut dire que cet Etat n’a jamais été ma grande priorité…) Donc je te crois sur parole :)
      Cependant, j’imaginais Miami beaucoup plus « gros buildings » et pas avec une architecture atypique comme à NoLa ?

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