France Rhône-Alpes & Auvergne

Suivre son âne en Ardèche méridionale

30 mai 2017

Rentrer, défaire son sac, se doucher pour enlever la couche de crème solaire, de crasse et l’odeur d’âne, soigner ses pieds.

Voilà la première étape pas très glamour d’un retour de rando. La seconde ? Me jeter sur WordPress à peine une dizaine d’heures après, ouvrir Lightroom, et tout vous raconter. Tout écrire, avant que ma mémoire commence à me jouer des tours. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vécu un week-end aussi agréable et stimulant, et cela faisait au moins aussi longtemps que je n’avais pas connu autant d’enthousiasme en noircissant des lignes d’écriture. C’est aussi peut-être parce que faire une rando avec un âne, c’était un rêve depuis très longtemps. J’ai toujours éprouvé beaucoup de curiosité pour ces bêtes-là. Je les trouve si douces, si intelligentes et espiègles… Impressions qui se sont confirmées au bout de quelques minutes seulement !

J’ai cherché l’âne avant de chercher la destination. Une seule condition ? Il faut aller dans le Sud : début mai, c’est la seule astuce pour s’assurer un minimum de beau temps. Trek Âne est résolument une bonne adresse, à Vallon-Pont-d’Arc. Le troupeau d’une quinzaine d’ânes est chouchouté par son ânière.
Il lui suffit de quelques secondes pour lever les dernières appréhensions liées à la responsabilité d’amener un animal (qui n’est pas le sien !) en balade. Je me suis toujours sentie beaucoup plus sereine auprès des poneys et des ânes qu’auprès des chevaux : je ne me sens donc pas particulièrement anxieuse. Je n’ai pas peur des ânes, et il est difficile de ne pas craquer en les voyant trottiner vers les visiteurs histoire de voir s’il se passe quelque chose d’intéressant pour eux… (au hasard… une distribution de bouffe ?)

L’espièglerie a un nom : Pomme

J’étais néanmoins moins sereine concernant l’équipement : je n’avais jamais bâté d’âne ! La procédure se révèle simple, techniquement, et il n’y a pas grand chose à retenir (si le moindre doute persiste, on part même avec de la documentation). Ceci étant dit, j’ai eu le plus grand mal à serrer assez les sangles pour que le bat reste bien en place : c’est mon plus grand regret. Il faut aussi que je sois indulgente avec moi-même : je n’ai pas fait ça toute ma vie… Notre ânesse, Pomme, n’avait heureusement pas l’air de se plaindre. Je pense qu’il faut rester à l’écoute de son âne. S’il n’avance pas ou s’il est chafouin, c’est de toute façon que quelque chose ne va pas…

Pomme était une ânesse de Provence qui est, à mon avis, bien représentative du caractère des ânes. Très douce et très patiente la plupart du temps, elle était tout de même extrêmement déterminée. Non, non, pas têtue (je ne trouve pas que les ânes le soient), mais déterminée. Le printemps commençait à s’installer, et avec lui les nombreuses touffes d’herbes et de fleurs fraîches en bord de chemin, mères de toutes les tentations… La 1re heure a été extrêmement sportive : je n’ai tout bonnement pas réussi à m’imposer. Heureusement, mon conjoint, qui a plus l’habitude d’être ferme avec ses animaux, a pris les choses en main. C’est qu’il faut avoir encore plus de détermination qu’elle pour lui faire lever le museau… pleine d’astuce, elle arrivait tout de même à attraper quelques brindilles en ne ralentissant pas assez la cadence pour qu’on puisse le remarquer. J’ai été surprise par sa force incroyable. Pas étonnant qu’elle puisse tracter plus de 300 kilos… Elle m’envoyait valser sans problème dans les hautes herbes lorsqu’elle voyait un pissenlit appétissant.
Cette 1re heure est déterminante : si vous laissez tout passer, c’est fini ! Son changement d’attitude a été radical. Dès qu’elle a pris confiance et a su qu’elle ne pouvait pas entourlouper mon conjoint (pour moi… c’était foutu, je crois), elle a suivi, tranquillement et gentiment, s’arrêtant ci et là pour se gratter, reprendre son souffle, ou faire ses besoins. C’est à ce moment-là qu’on se dit que finalement… C’est peut-être pas si compliqué, de se balader avec un âne !

La suivre est extrêmement motivant et sa douceur apporte un réconfort certain après les longues montées. Une chose est sûre : c’est l’âne qui décide de son rythme (et donc, du votre). Parfois, ce n’est pas bien rapide, mais mieux vaut ça que recevoir des coups de museau dans les fesses car elle juge les promeneurs trop lents… Quant au mythe de l’âne qui ne veut pas avancer : je ne l’ai pas constaté. Elle ne s’arrêtait que pour faire une pause de temps en temps, très brève, et je ne vois pas pourquoi elle n’aurait pas le droit de le faire. Si la pause est dangereuse ou s’éternise, il me suffisait de lui frotter quelques feuilles sur l’arrière-train et hop, c’est reparti ! Il ne sert à rien de tirer un âne… Non seulement vous n’arriverez pas à le bouger, mais en plus vous essuierez un regard méprisant (ou interprété comme tel ).

Je finis ce paragraphe un peu didactique (mais vous l’aurez remarqué, plein d’excitation, je crois que je n’ai pas grandi quand il s’agit de parler d’animaux) pour aborder le sujet de l’Ardèche méridionale… Après 5 minutes sur place, je me suis souvenue pourquoi ces paysages méditerranéens étaient mes préférés. En France, comme ailleurs (difficile de ne pas sentir les mêmes odeurs de pin que sur les plateaux de l’Utah…). J’aime les gorges profondément creusées, les causses battues par les vents et où ne poussent que les buissons rabougris et les pierres, les forêts de chênes verts qui sentent le thym sauvage.

Au cœur de l’Ardèche

Après une journée de 15 km de marche sur un chemin caillouteux, le village de Saint-Remèze se dessine. Le voir est presque salvateur : c’est ma 1re vraie randonnée depuis des années, et une blessure qui m’a rendue sédentaire. J’ai mal aux pieds, j’ai la paume irritée par la corde, et j’ai entendu un sanglier dans la forêt. Il est temps d’arriver. Saint-Remèze est un petit village endormi, le premier depuis la vallée du Rhône. Bon nombre de ses résidents travaillent à la centrale nucléaire en contrebas. Et pourtant, on a l’impression d’être au milieu de nulle part, bien loin de tout ça. En ce week-end d’élections présidentielles, les tags racistes succèdent aux banderoles écologiques. Pomme rejoint son petit pré et son ami (âne) Marius. Trop heureux de se retrouver et de brouter tout leur saoul, ils nous regardent à peine. L’orage menace (les ampoules plantaires aussi), alors la petite balade dans le village est brève.

Après une bonne nuit de sommeil, nous récupérons notre ânesse, qui a énormément de mal à quitter son ami à grands oreilles. Tout au long du retour, elle aura des moments de panique à l’idée de ne pas retrouver son ami. L’âne est un animal si anxieux à l’idée de ne pas vivre avec ses pairs que ça en est touchant… Mais difficile à gérer, aussi !
Vallon-Pont-d’Arc s’étend devant nous. Hors-saison, la ville est encore agréable, même si le parking du Pont d’Arc est déjà bien sûr labouré par les hordes de touristes. Difficile, tout de même, de l’éviter. Le pont est une merveille ! Même si, en longeant les Gorges de l’Ardèche, nous n’étions jamais bien loin de la civilisation, j’ai adoré le fait de ne voir aucune construction humaine à des kilomètres à la ronde : il n’y avait qu’une forêt de chênes verts à perte de vue. J’ai encore plus aimé les odeurs printanières des fleurs sauvages en bord de sentier (et l’une des randonneuses a adoré les brouter) et l’odeur de thym frais qu’elle laissait après le passage des dents impitoyables de Pomme. On est bien dans le Sud, ce Sud que j’aime à la folie et qui m’inspire tant de rêveries. Il ne reste plus qu’à revenir bientôt.

10 Comments

  • Reply
    Mathilde
    30 mai 2017 at 15:04

    Très sympa cette balade ! Pour avoir eu un petit chat ce weekend dans un Airbnb, certes un tout autre genre d’animal et d’expérience, je trouve la compagnie des animaux relaxante (et j’ai attendu une trentaine d’années pour faire ce constat…)

    • Reply
      isa
      6 juin 2017 at 09:58

      Relaxante, exactement ! Et tu ne te sens jamais seule non plus. C’est sûr que c’est une grosse contrainte, mais jusque là, je trouve que cela en vaut vraiment la peine

  • Reply
    Zhu
    31 mai 2017 at 02:58

    Mais lol au smiley de l’âne,. quoi! :lol: J’adore.

    Alors question con, est-ce que l’âne est aussi imposant que le cheval? Je dois avouer que même si j’ai vu des ânes, je ne me souviens pas de m’être approchée de près. En fait, je découvre que je n’y connais RIEN en âne. Je ne savais même pas qu’ils pouvaient être des copains de rando!

    Sympa la balade en tout cas. Tu m’étonnes que tu devais être courbaturée après!

    Tu as des animaux chez toi?

    • Reply
      isa
      6 juin 2017 at 09:58

      Mais y’a pas de question con, voyons ! :-D
      Non, un âne est beaucoup plus petit et court sur pattes (sauf certaines races immenses, comme l’âne du Poitou, mais même comme ça, je trouve que c’est plus petit). C’est plus proche du poney, niveau gabarit. Ils sont de supers copains de rando ! Ce qui a pas mal inspiré les gens ces dernières années, c’est le récit de Stevenson (oui, oui, Robert Louis) et son périple au coeur des Cévennes. Bon, vu qu’il maltraitait son âne, je suis pas hyper fan, mais c’est l’ouvrage de référence.
      Plus d’animaux, hélas. J’aime les rongeurs, mais au bout d’un moment, c’est trop difficile de les perdre après si peu de temps :( Un chien, bientôt !

  • Reply
    Monsieur Win
    31 mai 2017 at 12:37

    L’expérience de l’animal en vacances, j’ai déjà testé et même quand c’est le sien et qu’il est tout petit (9kg tout mouillé) ça change radicalement l’approche des vacances. (Surtout quand il est perturbé de changer tout le temps d’endroit et tombe malade au milieu de la nuit… mais bref !). Alors avec un âne d’un fort beau gabarit, j’imagine que c’est une expérience à part entière ! Elle l’air adorable et ça donne envie en tout cas !

    Et comme d’hab, bravo pour tes superbes photos qui donnent envie de prendre le sac à dos illico !

    • Reply
      isa
      6 juin 2017 at 09:55

      Ahlala, oui, c’est sûr que ça peut être une sacrée contrainte, mais aussi tellement de bonheur ! J’ai hâte d’avoir mon chien pour tester, et pour pouvoir me plaindre, aussi :-D
      J’espère que tu tenteras l’expérience, si vous aimez la rando, car c’est vraiment génial. Et quant à ton dernier commentaire, il me touche beaucoup, vraiment

  • Reply
    Hélène
    6 juillet 2017 at 17:03

    Il est chouette cet article !! J’adore les ânes (genre, j’en voudrais bien un dans mon futur jardin, ahem.. ou 2, pour qu’ils se tiennent compagnie ^^), je les trouve plus intelligent qu’on ne le croit et très canailles ! ;)
    Et bizarrement, j’avais jamais pensé à faire une rando avec un âne… même le chemin de Stevenson, si un jour je le fais, je l’imaginais sans l’ânesse… comme si l’âne était un peu une contrainte, un paramètre en plus à gérer, ou à faire avancer… mais ton article, et ton approche, est complètement différente de ce que j’imaginais tiens ! ça me donne bien envie…
    … puis l’Ardèche quoi ! :)

    • Reply
      isa
      9 juillet 2017 at 18:34

      Huhu ! J’ai exactement le même rêve que toi !!! Plus une biquette… :)
      Alors, un âne, c’est tout de même une contrainte, je ne veux pas la minimiser. Il y a la contrainte de sa vitesse (trop vite, ou trop doucement, en tout cas c’est rarement à la même vitesse que soit !), la contrainte du soir (il faut amener l’âne dans le pré, le nourrir, voire transporter sa nourriture si la rando est sur plusieurs jours, vérifier s’il y a des points d’eau, aussi), la contrainte du bâtage, plusieurs fois dans la journée. Après, c’est aussi beaucoup de bonheur… Si on est prêts à faire ces concessions-là ! Il faut que tu testes à la journée !
      Par exemple, je ne sais pas si je serais prête à me lancer dans une longue rando avec un âne. Par contre, le refaire sur une ou deux journées, mille fois oui !

  • Reply
    Lucie
    10 septembre 2017 at 17:50

    Magnifique, vraiment, ça donne envie ! Je suis passée par Vallon Pont d’Arc lors d’un bivouac en canoé un été, il y avait beaucoup de monde mais le site restait majestueux, puis pouvoir s’y baigner c’était super…

    • Reply
      isa
      13 septembre 2017 at 11:08

      Coucou Lucie !
      Alors tu as eu quand même un bel aperçu de ce que j’ai pris en photo !
      C’est vraiment un coin hyper beau. Ca me promet pas mal d’explorations dans les années à venir (entre ça et les Cévennes… un retour en Lozère, dans le Cantal… bon, j’arrête là !)

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