PVT Canada 2020 Road trip Québec & Maritimes

Sur les routes canadiennes #3 : volontariat confiné en Nouvelle-Écosse

27 janvier 2021

7 h du matin, nous finissons de replier notre campement dans la vallée de Matapédia. Le réveil a sonné tôt pour nous qui ne sommes pas du matin (ni du soir).

La grande traversée du Nouveau-Brunswick

Malgré tout, nous sommes parmi les derniers levés : le camping est le point de départ de nombreuses activités de canotage et de pêche. Dans un registre différent, une autre activité fatigante nous attend : la traversée du Nouveau-Brunswick dans la journée. Selon les restrictions en place à l’été 2020 et à cause du Covid, le Nouveau-Brunswick est une province qui a entièrement fermé ses frontières au reste du Canada (et du monde), tout comme, d’ailleurs, la majorité des provinces canadiennes. Notre grande chance, c’est que la province de Nouvelle-Écosse elle, est ouverte sous conditions (notamment qu’un strict confinement de 14 jours soit respecté en arrivant). Et ensuite… C’est la liberté : on est éligibles à voyager dans toute la « bulle atlantique » (qui comprend la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard et même le Nouveau-Brunswick). C’est par ce biais qu’on va réussir à explorer un peu le Canada !
Malgré le fait que toutes nos déclarations d’immigration soient en règle (eh oui, une déclaration pour traverser les provinces canadiennes, je ne pensais jamais connaître ça de ma vie !), on est pas très sereins quant à notre admission au Nouveau-Brunswick. On sait qu’on a juste le droit de traverser la province pour rejoindre la Nouvelle-Écosse, sans s’arrêter.
Le moteur est allumé, c’est parti. Notre camping n’est qu’à 5 min de la frontière néo-brunswickoise, où nous sommes arrêtés par un agent de police. Nous lui présentons nos passeports, notre déclaration de passage et surtout la preuve que nous n’allons pas au Nouveau-Brunswick mais en Nouvelle-Écosse, et que d’ailleurs, nos hôtes Workaway nous attendent dans la journée. L’agent leur téléphone immédiatement pour vérifier la véracité de nos propos et on commence à déserrer un peu les fesses lorsqu’il revient avec le sourire. Il vérifie ensuite notre jauge d’essence et si nous avons des provisions avec nous, ce que nous confirmons. Nous avons le droit de nous arrêter une seule fois pour une pause « technique » comme il l’appelle… Et c’est parti. On respire ! On est passés !

Ne pouvant évidemment pas faire de tourisme, nous prenons la voie la plus directe, une autoroute pas très belle au milieu d’un paysage très plat et monotone. On finit par s’arrêter pour faire notre fameuse pause technique dans un Tim Hortons (évidemment). À peine le pied posé sur le sol du parking, une personne âgée, ayant vu notre place québécoise, se dirige vers nous (très près, contre le visage de mon conjoint – et sans porter de masque contrairement à nous) pour nous intimer de « rentrer chez nous et de ne pas nous tromper de route », le poing levé. Bienvenue au Nouveau-Brunswick ! À ce moment-là, j’ai eu l’impression de commencer à tirer un peu le fil de la façon dont les Québécois sont perçus par le reste des Canadiens. Et je me suis sentie résolument québécoise, peut-être pour la première fois de ma vie.
Un peu chauffés, on reprend la voiture pour filer sur l’autoroute, toujours ces mêmes forêts, toujours ces mêmes paysages plats. Le café Tim Hortons faisant son effet, on s’arrête une nouvelle fois avant la frontière néo-écossaise, cette fois-ci au milieu de la cambrousse et entre deux arbres. On se perd pendant 20 min le temps de retrouver la bretelle d’autoroute, en guettant par dessus notre épaule les hélicoptères de flics prêts à nous embarquer. La frontière néo-écossaise, enfin ! Sans grand stress ni difficulté, nous la traversons : le gardien de la paix nous rappelle juste nos obligations de confinement. Encore 3 h de route, et on arrive enfin chez nos hôtes ! Quelle chance, quand même, qu’ils aient accepté de nous accueillir.

Cochons, lapins, volailles et réflexions sur l’élevage

Nos hôtes sont un couple de Québécois installés depuis plusieurs années en Nouvelle-Écosse. Ils ont acheté un petit chalet avec vue sur un bras de mer et ont entrepris eux-même d’y construire une magnifique grange pour implanter leur ferme, qui, à terme, leur permettrait l’autosuffisance (au niveau de la viande, uniquement), un peu de commerce local, et pourquoi pas de devenir un lieu d’accueil événementiel ou une ferme pédagogique.
Chaque jour, nos tâches sont principalement le soin aux animaux : il faut peletter beaucoup de caca, globalement, les nourrir, leur courir après et leur donner quelques caresses. On creuse aussi le sol, on dresse des enclos et on bouge du gravier.
Plus les jours passent, plus on connait les bêtes, notamment les poules qui comprennent très vite qui va les nourrir ! Chaque matin, dès qu’elles entendent le grincement de la porte d’entrée du chalet, elles se ruent vers moi, impatientes d’avoir leur pain quotidien. Notre cadre de vie et de travail est agréable, même si ça ne colle pas des masses avec nos hôtes qui ne sont pas spécialement curieux. Pour une première expérience « officielle » en ferme, on apprend pas mal de choses, et c’est surtout pour ça qu’on est là ! Chaque jour, le gouvernement néo-écossais me passe un coup de fil (que je ne dois pas manquer, sinon ils déploient un escadron jusqu’à notre lieu de résidence) pour me poser diverses questions (si je vais bien, si je suis toujours confinée, comment je fais pour me nourrir…). J’ai toujours l’appréhension de ne pas bien capter, qu’ils m’appellent pendant la pause pipi (oui, c’est arrivé) et que je ne puisse pas répondre… Mais je me suis débrouillée pour ne pas manquer à mes obligations, jour après jour.

Travailler dans une ferme d’élevage, c’est vraiment pas simple pour moi, c’est même encore plus difficile que ce que je pensais. Je trouve que les animaux ne sont pas bien traités (alors qu’il ne s’agit pas vraiment d’une grosse ferme commerciale). Je ne suis plus végétarienne, même si je fais toujours attention à ma consommation de produits animaux, et cette expérience enfonce encore un clou dans mon esprit : j’ai de plus en plus de mal à supporter la maltraitance animale qui est inhérente à l’élevage. Il ne peut pas y avoir d’animaux « bien » traités si l’objectif est de les exploiter et de les tuer ; même s’ils vivent en extérieur et pas en cage. Tous ces animaux qui courent dans le bois vont être tués un moment ou l’autre, et plutôt tôt que tard. C’est dur de continuer à faire une dissociation entre eux, si mignons, si intelligents et astucieux, et ce qu’il y a dans mon assiette. J’ai pas inventé l’eau tiède, c’est ce que tous les véganes répètent depuis des années, mais quand on travaille dans une ferme, on est au plus près de tout ça, et c’est vraiment pas glorieux. Je les aime vraiment, ces animaux, surtout cette petite chèvre qui se dandine dès que je passe à côté d’elle pour se faire gratouiller de partout… Et les poules rousses qui me suivent de partout parce qu’elles savent que je suis faible et que je leur donne les peaux de pastèque… J’ai vraiment plus du tout envie de manger cette ménagerie. Il faut que je continue mon chemin de ce côté-là, en essayant de trouver un équilibre qui pourra être en phase avec mes problèmes de santé, mais je vais y arriver !

Libérés, enfin !

Au bout de 14 jours sans sortir de la ferme, la vie dans un élevage et toutes les questions qui émergeaient a commencé à me peser. Un confinement en extérieur n’a certainement pas eu le même impact qu’un confinement dans notre appartement à Montréal, mais ça n’en restait pas moins un deuxième confinement strict alors que nous avions retrouvé notre liberté il y a à peine plus d’un mois. On savait que ça valait le coup, on avait besoin de quitter le Québec, de toute façon, pour explorer d’autres choses… Mais au jour 14, ça a été une vraie délivrance. Nous sommes allés nous promener à la plage, l’eau était encore très fraîche au cours de cette troisième semaine d’août, et l’air encore plus. J’ai déjà l’impression que c’est la fin de l’été… Cette saison est toujours si courte, au Canada. Nous avons l’impression d’en avoir à peine profité : rappelons que la dernière neige était mi-mai ! Rien que pour cela, cet hiver trop long, je ne pourrais pas vivre ici des années et des années. Et pourtant, je l’aime vraiment, cet hiver froid et neigeux. Mais au Canada, il n’y a véritablement qu’une saison, et c’est celle-là. Encore une fois, la météo est incertaine et on sent bien que l’on ne pourra s’éterniser en camping. Après cette balade sur la plage et une petite bière en terrasse (le bonheur !), on passe une dernière nuit dans notre ferme avant de mettre les voiles vers le Cap Breton, LE lieu de Nouvelle-Écosse qui émerveille tout le monde et qu’il ne faut surtout pas rater. C’est ce qui est en haut de notre liste d’endroits à explorer, alors pourquoi attendre ? Plus qu’une nuit, et c’est la liberté.

Une chanson, une lecture, une couleur, une odeur – ferme néo-écossaise

Une chanson pour un état d’esprit :

Beach Comber, par Real Estate, une chanson extrêmement nostalgique qui m’évoque la lumière douce sur le visage, les fins d’été.

Une lecture qui aura marqué ce moment :

Beauté fatale de Mona Chollet, commencé et sérieusement entamé en face de la mer, en me battant contre les voraces moustiques locaux.

Une couleur :

Le rouge, le roux ! De toutes ces petites poules qui ont égayé notre quotidien, de la couleur du toit de la grange, et bien sûr des fameuses chaises Adirondak !

Une odeur :

Celle de la pluie, tantôt qui exalte l’odeur des épines de pin, tantôt qui se mêle à celle de la vase sur la plage.

2 Comments

  • Reply
    Retour du Monde
    1 février 2021 at 12:21

    Merci pour ce moment d’évasion. Je me souviens qu’on avait parlé ensemble, durant le premier confinement, de votre situation, de la Nouvelle-Ecosse, et j’admets avoir manqué de lire ce feuilleton. Ca fait plaisir de ressentir un peu les sensations de cette province qui laisse en moi un vague sentiment de nostalgie doublé de yeux qui pétillent.

    • Reply
      Isa
      1 février 2021 at 12:23

      Merci pour ton commentaire !
      Le vrai voyage commence juste après, et on a pensé à vous tellement souvent le long de nos 10 jours au Cap Breton… :) C’était un voyage résolument différent du vôtre, mais plein de belles choses aussi !

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