Parcs nationaux PVT Canada 2020 Road trip Québec & Maritimes

Sur les routes canadiennes #5 : la côte ouest du Cap Breton – Chéticamp, Skyline trail et francophonie

16 mars 2021

On rongeait notre frein depuis plusieurs semaines : le Cap Breton et son parc national était vraiment notre premier objectif. Les suivants, en plus, tomberont finalement un peu à l’eau (mais ça on le verra plus tard, une chose à la fois !) ; c’est résolument le Cap Breton qui nous a fait traverser le pays jusqu’à la Nouvelle-Écosse.

D’Antigonish à Pomquet

Le réveil à Antigonish est matinal, on boit rapidement un de nos cafés instantanés dégueulasses avant de prendre la route. Cette fois encore, on a vraiment rien prévu sur le chemin, si ce n’est que ce soir, on dort quelques nuits au camping du Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton. On remarque le panneau d’un parc provincial, à Pomquet (village dont j’aime instantanément le nom, ce qui explique en grande partie le détour) : grand virage à droite, on sort de l’autoroute les pneus crissants, allez, on va voir Pomquet. Le village est petit et mignon, avec de nombreux drapeaux acadiens flottants au vent (c’est la première fois que l’on en voit autant depuis qu’on a posé les pieds en Nouvelle-Écosse, on se sent bizarrement accueillis et dans notre élément).

La plage est belle, on a l’impression d’être un peu en Irlande avec cette mer sombre et toutes ces nuances de vert. La zone humide et les dunes adjacentes sont joliment préservées et cerise sur le pompom : il n’y a qu’une seule famille sur la plage. Ça fait tellement de bien de profiter de ces paysages seuls, sans d’autre bruit que celui des vaguelettes. Je marche pieds nus (c’est une question de principes), quitte à malmener mes chevilles sur les galets.

En pays celte – en pays acadien

Après cette parenthèse enchantée, retour sur l’autoroute qui déroule ses kilomètres, pas bien beaux, le long de réserves autochtones jusqu’à Auld Cove où se trouve le pont qui nous mène enfin à l’île du Cap Breton. En guise de pont, c’est finalement une affreuse digue, bordée de pylônes électriques, avec vue sur des cimenteries et des collines ravagées par l’extraction, le long d’une voie ferrée négligée. Je me demande s’ils ont vraiment osé couper le bras de mer sans laisser de passage pour les mammifères marins : il y a une écluse, c’est tout. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’arrivée sur l’île du Cap Breton n’est pas vraiment spectaculaire. On ne boude quand même pas notre plaisir en voyant les noms exotiques des villages, tantôt à consonnance francophone, tantôt franchement écossais. Le long de la route 19 (pertinemment nommée Ceilidh Trail), il y a énormément de bars celtes et de lieux de conservation de musique et de culture celtique. Il y a des landes, aussi. On essaye de trouver une radio qui nous permettra de coller à l’ambiance (on était chauds pour de la cornemuse) mais on tombe plutôt sur CKJ FM, la radio communautaire francophone de Chéticamp qui nous propose des morceaux de musique acadienne (entrecoupées de musique country quétaine pas toujours audible).

Comme souvent au Canada, les points d’observation où l’on peut stationner le long de la chaussée sont rares, même sur une route panoramique et touristique. On arrive tout de même à trouver une table de pique-nique à Inverness, bordant une zone marécageuse. Les oiseaux nous accompagnent tout au long des 3 minutes 32 qu’aura duré notre repas – même avec un viril « anti moustiques régions sauvages XXX ☠️ », on se fait littéralement bouffer sur chaque centimètre de notre corps. Exsangues et réfugiés dans notre fière auto pour finir nos chips, on repart, avec la ferme intention de ne plus s’arrêter jusqu’à Chéticamp, notre base pour les jours à venir. Chéticamp, l’un des berceaux de l’Acadie, que j’avais adoré à travers les yeux d’Anne, a l’air de beaucoup souffrir des restrictions liées au Covid. Les bars sont tous fermés, il n’y a personne dans les rues, pas un seul touriste, à part nous qui traînons nos baskets sur un front de mer en rénovation. La situation actuelle n’étant ni propice pour rencontrer des gens ni pour écouter de la musique live, on n’y passe qu’une heure, le temps de faire quelques courses. Fervante défenseuse des choses qui ne me regardent pas, c’est-à-dire de la vivacité du français au Canada, j’entre dans les magasins en parlant français, d’office, et tout le monde me répond en français, d’office. Souvent avec un grand sourire et plein de questions sur d’où on vient. Ça me fait un bien fou.

On a hâte d’arriver enfin dans notre premier parc national canadien depuis le début de notre périple. Le camping de Chéticamp est à moitié vide, puisque pour des raisons sanitaires, un emplacement sur deux doit être libre. On est ravis : c’est calme et parfait, au pied de notre falaise. La nuit commence à tomber tôt, finalement. On doit rusher le montage de notre tente pour aller voir notre premier coucher de soleil depuis un bail (eh oui, sans soleil, pas de coucher de soleil) au tout début du Cabot Trail, la fameuse. C’est beau, tout simplement.

Le soleil couché, on rentre en hâte affronter cette fraîche nuit, non sans avoir essayé de prendre en photo les mille étoiles éparpillées autour de la voie lactée qu’on arrive à admirer distinctement. Tout ça m’avait manqué. Vaincue par mes doigts gelés, je rejoins mon sac de couchage en voyant l’immense feu de joie de nos voisins de camping – eux sont évidemment en débardeur et encore pieds nus, c’est le sang canadien qui veut ça.

Douceurs du Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton

Réveil matinal pour aller affronter une autre célébrité du Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton : le sentier Skyline. Il faut être les premiers à commencer pour pouvoir éviter les milliers de randonneurs quotidiens – même en période de pandémie. On ne se débrouille pas trop mal, il n’y a « que » une bonne cinquantaine de voitures sur le parking (c’est dire la popularité de la rando). Le sentier est très agréable, à travers des petites forêts rabougries et éprouvées par le vent, puis devient interprétatif et très intéressant, nous expliquant les efforts de conservation et de réintroduction réalisés par les scientifiques depuis une dizaine d’années. Et puis, enfin, on arrive au bout, à la vue imprenable que l’on trouve de partout sur Instagram. J’ai le vertige ! C’est très joli, sans être exceptionnel. On profite, dans le calme, de ces rayons de soleil dont on sait qu’ils ne dureront pas. On essaie d’apercevoir des baleines, sans succès. Aux alentours de midi, la foule devient trop pressante et alors que nous entamons le chemin de retour, les randonneurs que nous croisons dans le sens inverse sont en rang d’oignons. Avant de sauter à nouveau dans notre auto, une dame, une locale, nous arrête, après nous avoir entendu parler français. Elle nous demande d’où on vient mais trouve que nous n’avons pas l’accent du Québec. Elle entreprend, pendant un quart d’heure, de parler de l’Acadie, de la France, de ce qui nous uni et encore une fois, on se sent très liés avec une histoire commune avec les francophones d’ici – beaucoup plus qu’avec les francophones du Québec, d’ailleurs.

Sur notre lancée et bien résolus à faire le plus de balades possibles pendant notre jour de soleil imparti, on se lance sur quelques autres sentiers nous menant jusqu’au Lac Benji’s et à la Tourbière. Un peu plus au nord du Parc national, le paysage est bien différent ; les forêts laissent place aux landes et aux zones humides – j’adore. Ça me touche beaucoup plus que les vertigineux paysages côtiers et… C’est sans doute un avis impopulaire mais je trouve que le Cabot Trail défigure vraiment la côte et ne se mêle pas bien au paysage. Je regrette les routes orangées d’Utah, cachées brillamment ton sur ton.

Le lendemain, nous faisons quelques autres petites balades mais nous profitons surtout d’une journée calme à Chéticamp, crème glacée dans une main, muffin dans l’autre et parlant français à qui veut bien l’entendre. Ces premiers jours au Cap Breton sont frais et relaxants – quel bonheur de reprendre les sentiers de rando. On a hâte de continuer le Cabot Trail, où quatre autres jours nous attendent, sur la côte est, cette fois-ci. À suivre !

Une chanson, une lecture, une couleur, une odeur – Chéticamp et le Cap Breton

Une chanson pour un état d’esprit :

J’ai choisi une chanson de Robert Deveaux qui me semble être typique de la culture locale, et qu’on a entendue tout au long de notre séjour dans la partie acadienne du Cap Breton !

Une lecture qui aura marqué ce moment :

Je ne l’ai pas lu à au cours de notre visite, mais les mots qui auront bercé mon voyage au Cap Breton sont sans doute ceux d’Anne, une voyageuse que j’estime énormément, et qui a réussi à pénétrer l’intimité de ce petit coin de monde en y vivant plusieurs mois.

Une couleur :

Le vert, celui des fougères, des landes et des sapins.

Une odeur :

Celle du feu de bois qui crépite doucement sous un ciel étoilé (où la définition même du bonheur).

2 Comments

  • Reply
    Mumu
    16 mars 2021 at 15:04

    C’est fou, j’ai l’impression de voir les photos que j’avais prises avec Katell aux mêmes endroits. J’ai même l’impression de reconnaître les troncs d’arbres morts (mais je dois m’enflammer un peu, là…)

    • Reply
      isa
      16 mars 2021 at 16:12

      Ah mais je te confirme que c’est eux ! J’avais oublié de te le dire, d’ailleurs, ils te passent le bonjour !

Leave a Reply