États d'âme

Bye 2020 et ne reviens jamais ! Bilan lectures & musique

31 décembre 2020

Chaque année (ou presque, bon, quand j’ai envie, quoi), je me prête au jeu-du-bilan-que-personne-ne-lit, globalement parce que ça me fait un petit souvenir sur l’année passée. J’écris cet article très en avance (on est le 31 décembre et il est même pas midi, ça va, je suis large !). Je dois avouer que je suis à peu près sûre que 2020, malgré ma mémoire approximative, je m’en souviendrai ! En 2020, comme beaucoup de monde, j’ai eu des merdes (perte de boulot, impatriation prématurée, opération douloureuse et stressante) mais je dois avouer qu’encore une fois, j’ai été extrêmement privilégiée. Je n’ai pas d’enfants (et m’en suis félicitée chaque matin, cette année), j’ai pu passer beaucoup de temps avec mon conjoint (c’était dans ce but qu’on est partis vivre à l’étranger – bon, on pensait pas qu’on passerait autant de temps ensemble, mais quand même, c’était bien) et j’ai même pu voyager dans de beaux endroits et rencontrer de chouettes personnes (grâce à de la ténacité et beaucoup de chance).

2020 en bande-dessinées (surtout québécoises)

Mes deux meilleures amies de cette année, celles que j’ai le plus fréquentées, c’est la bibliothèque municipale de Montréal et la BANQ. J’ai pu emprunter numériquement et physiquement une quantité astronomique de bouquins (même si je n’ai pas du tout lu pendant les deux mois et demi de confinement, j’ai été absolument incapable de le faire, préférant me détendre en jouant du ukulele – lui aussi emprunté à la bibli). Je m’étais fixée le défi de lire 52 BD cette année. Hélas, faute de nouveautés empruntables, je n’ai pu en lire que 44, ce qui n’est quand même pas si mal. Depuis 10 ans, j’en suis une grande lectrice, préférablement de one shot (je n’aime pas vraiment les séries, à part de rares exceptions comme les Paul de Rabagliati), et j’ai une grande passion pour la littérature québécoise que je trouve si riche, douce, profonde et vibrante. Et comme d’habitude, je préfère lire des femmes. Voilà donc mon petit top des ouvrages lus cette année :

Jane, le renard et moi (Fanny Britt, Isabelle Arsenault – Éditions La Pastèque) : une BD jeunesse au trait magnifique qui parle de harcèlement scolaire et d’évasion salvatrice dans la littérature. À mettre dans toutes les (petites et grandes) mains.

Justine (Iris – Éditions La Pastèque) : une histoire de vie, dans une petite ville québécoise, il se passe rien et il se passe tout. Faut survivre, s’adapter, parfois même avoir quelques moments de bonheur, c’est la vie de Justine, quoi.

Paul à la maison (Michel Rabagliati – Éditions La Pastèque) : plus le temps passe et plus Paul est triste, nostalgique, voire franchement dépressif. Mais il reste à Montréal, pis il continue à vivre en traversant les deuils… Encore un beau Paul qui tord le coeur !

Journal (Julie Delporte – Éditions Pow Wow) : Journal m’a mis à terre : c’est de la poésie pure. J’ai eu le coeur serré tout le temps, de tristesse et de gratitude parce que quelqu’un racontait cette histoire-là, pas souvent comprise. Celle d’une séparation douloureuse, dont on met plusieurs mois ou plusieurs années à se remettre, et on comprend pas trop pourquoi. C’est pas particulièrement parce que l’autre nous manque, c’est à cause d’autre chose, mais quoi ? Journal se passe dans mon quartier montréalais, et se termine dans le Vermont. J’ai eu l’impression qu’il a été écrit pour moi et il rentre automatiquement dans mon Top 10 interstellaire de mes BD préférées.

Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin (Émilie Plateau – Éditions Dargaud) : un ouvrage très didactique et très instructif sur l’invisibilisation des femmes (ici Claudette) dans les luttes pour les droits civiques américaines, même par les hommes puissants de leur camp. Quelques mois avant même Rosa Parks, Claudette Colvin a refusé sa place de bus à une femme blanche. Aujourd’hui, plus personne ne se souvient d’elle…

La fin du monde (Tom Tirabosco, Pierre Wazem – Éditions Futuropolis) : c’est ce que j’appelerais un ovni. Une magnifique BD avec un soupçon de fantastique sur un déluge qui signe le début de la fin (lu pendant le confinement, meilleure idée du monde). Elle est vraiment difficile à décrire puisqu’il faut se laisser porter par le récit et les pensées de son héroïne.

La petite Russie (Francis Desharnais – Éditions Pow Wow) : j’ai adoré cet ouvrage dont le thème est la colonisation du « Nord », celui de l’Abitibi, pour bûcheronner et créer une plus belle société : coopérative et tellement communiste pour certains, qu’ils l’appellent la petite Russie. Une véritable incursion très intime dans un autre temps, pour découvrir un pan de l’histoire du Québec tout en plongeant dans l’initimité de la famille de l’auteur.

La grosse laide (Marie-Noëlle Hébert – Éditions XYZ) : le dessin, entièrement au crayon à papier, est merveilleux. Un ouvrage dur et beau qui dénonce la grossophobie. Encore un vrai coup de coeur !

Sur la route de West (Tillie Walden – Éditions Gallimard) : un récit de road trip texan dont j’avais infiniment besoin après des mois à rester seulement à quelques kilomètres à la ronde de mon appartement. Une histoire fantastique de fuite en avant et de coming out. J’ai hâte de dévorer les autres ouvrages de Tillie Walden !

♥ La Vingt (Audrey Beaulé – Éditions La mécanique générale) : la Vingt, c’est la Transcanadienne, l’autoroute entre Montréal et Québec, c’est aussi le voyage intérieur d’une jeune femme qui songe à sa vie, à sa famille, à son orientation sexuelle. J’ai été encore une fois profondément touchée.

Je vais m’arrêter à ces dix ouvrages, il y en a d’autres extrêmement agréables qui mériteraient d’être cités (The Wendy Project de Melissa Jane Osborne, Hippie Trail de Séverine Laliberté, L’Été Diabolik de Thierry Smolderen…). 2020 a décidément été une bonne cuvée BD !

2020 en essais

Je lis de plus en plus d’essais (féministes), et cette année, je n’ai d’ailleurs pu lire que ça. J’avais pas vraiment envie de partir dans des mondes imaginaires, préférant me faire du mal à lire les horreurs du nôtre.

Le français est à nous, Petit manuel d’émancipation linguistique (Laélia Véron, Maria Candéa – Éditions La Découverte). C’était mon premier manuel de linguistique depuis très très longtemps, et autant vous dire que dans mon souvenir, je m’étais pas marré autant ! Cet ouvrage de vulgarisation est drôle, pertinent, militant, tout est facilement compréhensible et… vous jeterez un oeil différent sur notre langue en le refermant !

♥ Chez soi, une Odyssée de l’espace domestique (Mona Chollet – Éditions La Découverte). J’ai lu tous les Mona Chollet, en les trouvant souvent brouillons mais en en ressortant toujours beaucoup de réflexions. Chez soi est selon moi son ouvrage parfait, et est particulièrement touchant lorsqu’on est casanière et introvertie, comme moi. On y parle de lutte féministe et d’introspection… Un petit bijou !

Sex and the series (Iris Brey – Éditions de l’Olivier). En tant que dévoreuse de séries, lire un bouquin sur le male gaze dont je ne savais pas grand chose ne me tentait pas plus que ça. Finalement, ce petit essai est superbement écrit et très recherché (tout au long des pages, je me suis écriée : « mais oui ! mais bien sûr ! »).

Voilà mon petit top 3, j’aurais pû citer Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (Corinne Morel Darleux) ou Moi, les hommes, je les déteste (Pauline Harmange), une ode à la misandrie, toute douce, que j’ai trouvés divertissants mais pas révolutionnaires, je les recommande tout de même chaudement aux personnes qui commencent à mettre le petit doigt de pied dans les questions féministes !

2020 en romans

Je n’ai lu que 10 romans ou recueils de poésie, cette année. Rien de bien bouleversant (je parle plus longuement de ma lecture de la série La Passe-Miroir ici), j’ai aussi aimé Les Testaments de Margaret Atwood, tout en pensant que cette suite de la Servante Écarlate était dispensable… J’ai aussi aimé Kuessipan, un roman poétique d’une jeune autrice québécoise, Naomi Fontaine, tout comme je me suis laissée porter par Françoise en dernier de Daniel Grenier (un autre auteur québécois que j’adore). Mais mon petit coup de coeur de l’année a été vraiment un roman inattendu, dont j’ai trouvé un exemplaire dans une boîte à livres dans un minuscule village d’Estrie : Les villes de papier, de Dominique Fortier. Je l’ai pris un peu au hasard, attirée par la quatrième de couverture plutôt étonnante : une bibiographie romancée sur la vie intime d’Emily Dickinson. Ce livre est extrêmement beau et doux, tout en étant vraiment surprenant. Je regrette aujourd’hui de l’avoir glissé à nouveau dans la boîte à livres, après l’avoir lu d’une traite sous la tente, pendant une nuit de tempête !

2020 dans mes oreilles

Rien de fou ni d’époustouflant, cette année, côté musique. J’ai adoré découvrir Folklore, l’album surprise de Taylor Swift, avec mes écouteurs, au milieu de la nuit. Elle a enfin écrit l’album dont je rêvais depuis des années, en plus accompagnée d’Aaron Dessner dont on sent évidemment l’extraordinaire influence. Mine de rien, elle m’étonnera toujours…

J’ai aussi beaucoup apprécié le nouvel album d’M.Ward, Migration Stories, après m’être désintéressée de son travail pendant quelques années :

La fantastique Waxahatchee m’étonnera toujours, elle aussi. Son nouvel album, Saint Cloud, est une merveille folk :

Lianne La Havas a enfin sorti de la nouvelle musique !!!! Des années qu’on attend tous. Béh difficile d’être déçues, quand même…

En parlant de folk, Laura Marling a elle aussi écrit un album magnifique, cette année : Songs for our daughters

J’aurais adoré avoir un album autour de Beaten Down, une magnifique chanson de mon héroïne Sharon Van Etten, assorti d’un court métrage (bon, ok, un clip, mais en plus beau), mais elle est toute seule, cette chanson :

Six ans après tout le monde, j’ai entendu cette superbe chanson d’Odessa, I will be there. Elle me rappelle avec nostalgie l’âge d’or du rock indé au milieu des années 2000. Un petit bijou.

2020 sous mes yeux

Cette année, j’ai vu beaucoup de films, confinement oblige. J’ai aussi regardé beaucoup de séries… Mais c’est bizarrement un pan de ma vie que je trouve trop intime pour vraiment le partager sur mon blog (va savoir pourquoi, après vous avoir écrit 1 659 mots chiants sur mes lectures et la musique que j’écoute). Alors, sans vous saouler plus longtemps :

Certain Women de Kelly Reichardt. Elle est ma réalisatrice préférée de tous les temps, je l’aime comme si c’était ma mère, et je serais prête à tout pour la rencontrer un jour, ou juste regarder encore cent de ses films. Bref, Certain Women c’est un autre chef d’oeuvre et puis c’est tout. Trigger ciné Sundance chiant.

After the wedding de Bart Freundlich. Y’a Michelle Williams. Next.

Les bonnes soeurs et Horse girl (Jeff Baena), tous deux des ovnis vraiment réussis avec Alison Brie. Trigger ciné Sundance un peu chelou mais accessible.

(Revu) Take this waltz de Sarah Polley, l’un de mes films préférés, et il y a Michelle Williams (next). Palm Springs (Max Barbakow) reprend un thème vraiment pas original (quelqu’un qui revit la même journée en permanence : ça vous dit quelque chose ?) mais d’une façon hyper rafraîchissante et distrayante. Je n’attendais rien de ce film, et je l’ai vraiment beaucoup aimé !

♥ Sword of trust de Lynn Shelton. Encore un ovni d’une réalisatrice que je ne connaissais que par la réalisation de séries (Mad Men, Glow, The Good Place, etc). J’ai tellement adoré ce film que je suis allée voir de plus près son oeuvre… Pour apprendre qu’elle est tragiquement décédée en mai de cette année. Je voulais lui rendre un petit hommage ici en vous incitant à aller dévorer sa filmographie au plus vite.

2020 : clap de fin

2020, séparons-nous, il est temps. Je ne pense pas que 2021 sera bien mieux, mais je ne peux que l’espérer en allant découper le fromage de la raclette en duo de ce soir et en allant mettre le champagne au frais (oui, du champagne, parce que 2020, donc merde). En 2020, on a accueilli une petit berger créole en provenance de la Guadeloupe, qui déteste le froid et être seule, qui est plutôt en forme pour ses 7 ans, et qui découvre enfin le bonheur du canapé après avoir passé sa vie dans la rue. Et rien que pour ça, je suis reconnaissante de cette année !

Je suis aussi rentrée vivre en France après un an au Canada, une expérience qui a été intéressante sans être bouleversante, mais qui a surtout été l’occasion de se rapprocher un peu d’amis qu’on ne voit que trop peu souvent. Bon, on les a pas vus beaucoup, mais on a été auprès d’eux, sur le même fuseau horaire, et malgré tout, ça change beaucoup de choses. Grâce au confinement, j’ai pu passer plus de temps en ligne avec de chouettes personnes, avec qui nous avons pu converser, se rassurer, grogner et s’envoyer des mots d’amour (si vous passez par là, je sais que vous vous reconnaîtrez !). Bon, je l’admets, 2020, t’es pas complètement à jeter à la poubelle, mais il faut que tu partes maintenant !

L’année prochaine, je me souhaite de vraiment trouver une belle reconversion professionnelle, de quitter l’Ain (où j’aime pourtant beaucoup vivre), de retrouver un équilibre familial, d’écrire mon récit de voyage dans les Maritimes, et accessoirement, de retrouver un boulot tout court. De commencer un nouveau chapitre de ma vie, en somme ! Et je vous souhaite à tous d’être sereins, aimés et entourés, et de parvenir à surmonter toutes les difficultés qui se sont dressées sur votre chemin ! Oui, je vous parle à vous, les trois dans le fond qui sont arrivés à la fin de cet article ! ;-)

À 2021 !

 

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6 Comments

  • Reply
    Lucie
    31 décembre 2020 at 18:52

    Moi aussi j’ai lu Chez-soi et je suis contente d’avoir rencontré ce livre avant d’être confinée, il a résonné encore plus fort ❤️ j’aimerais beaucoup avoir accès à autant de BD, en Italie j’en trouve très peu à la bibliothèque, qui en plus est restée fermée une grande partie de l’année. Allez, je ne m’éternise pas et vivement 2021, je te souhaite de trouver le chemin de ta reconversion professionnelle et de l’équilibre, et qu’il y aura plein de bds sur le bord.

    • Reply
      isa
      1 janvier 2021 at 11:25

      Je me souviens que tu me l’avais effectivement chaudement conseillé sur Twitter (et d’ailleurs, merci :) ). Il est vraiment fou, ce livre, j’ai l’impression qu’il a été écrit pour moi/nous. Est-ce que tu sais pourquoi il y a peu de BD en Italie ? Pas trop de « culture » BD traditionnellement, peu de romans traduits ? J’avoue que l’emprunt de bouquins numériques (toujours pas encadré en France) a beaucoup aidé en cette période de pandémie… Je te souhaite aussi beaucoup de bonheur et plein de nouvelles choses pour l’année à venir (c’est à dire plein de trains de nuit et de découvertes pour tes papilles héhé)

  • Reply
    Audrey Favre
    31 décembre 2020 at 20:21

    Mais si, il y a des amatrices de rétrospectives ! J’adore lire les bilans pour peu qu’ils prennent vraiment du recul avec nuance. Je note toutes tes suggestions d’essais, moi qui préfère vraiment largement me réfugier dans l’imaginaire plutôt que d’affronter le monde (pandémie ou non, d’ailleurs). Le manuel de linguistique féministe me fait de l’œil !

    • Reply
      isa
      1 janvier 2021 at 11:23

      Je suis sûre que le bouquin de linguistique te plaira, il se déguste vraiment ! Bon courage pour cette nouvelle année à venir, je te souhaite plein de découvertes intérieures et extérieures :)

  • Reply
    Jérôme
    4 janvier 2021 at 15:01

    Il y a eu une adaptation cinématographique de Kuessipan par Myriam Verreault qui est particulièrement bouleversante.
    Je pense que c’est disponible en streaming par le site de Banq ;)
    Je n’ai pas encore lu le roman mais c’est sûr que c’est sur ma liste.
    Et un autre film à voir et revoir absolument, c’est Antigone de Sophie Deraspe.
    Merci pour ce partage – qui est quand m^me lu !

    • Reply
      isa
      4 janvier 2021 at 15:20

      Merci beaucoup Jérôme pour ton commentaire ! Je vais aller chercher ce film aussitôt (merci de le mettre sous mon radar, j’en avais aucune idée) :) Et merci de me lire aussi (que de mercis, pour commencer cette année !)

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